Un fils de constantine 2

Il refusait d’être le témoin passif des luttes qu’il encourageait, et c’est en étant acteur qu’il se sentait spectateur légitime. AlbertPaul Lentin (1923-1993), est né à Constantine où il passe sa jeunesse. Il s’engage dans la résistance à Alger. Il assistera comme jeune juriste au service d’un procureur au Procès de Nuremberg. Il commence ensuite sa carrière de journaliste dans le premier Libération où il restera jusqu’à la fin du journal. Il s’engage pour l’indépendance de l’Algérie et écrit plusieurs livres. Il travaillera ensuite à France-observateur puis fondera avec d’autres journalistes Politique-Hebdo. En 1966, Albert-Paul se rend à la Havane pour assister à la Conférence Tricontinentale lors de laquelle sera créée l’Organisation de Solidarité des peuples d’Asie, d’Afrique et d’Amérique Latine. Il en publiera un livre compte-rendu, (La lutte Tricontinentale, éditions Maspero, 1967) dédié à son ami Mehdi Ben Barka, responsable du comité préparatoire de la Tricontinentale, assassiné quelques mois auparavant. 

En 2018, Diane Lentin, photographe et réalisatrice, se joint à son père pour continuer sur les traces d’Albert-Paul. Ils se rendront d’abord à Cuba en janvier 2019 pour travailler sur les archives de l’OSPAAAL et de la Conférence Tricontinentale. Le premier hommage à Albert-Paul Un fils de Constantine rassemblait des témoignages historiques sur l’Indépendance de l’Algérie mais questionnait aussi les nouvelles formes de colonisation. De la même manière, le père et la fille veulent aujourd’hui revenir sur le symbole qu’a été la Conférence Tricontinentale à cette période de l’Histoire et mettre en perspective cet événement avec le monde d’aujourd’hui : l’idée d’une lutte internationale anti-coloniale et antiimpérialiste. 

Saïd Bouamama dans la présentation de son ouvrage sur la Tricontinentale pose la question de cette manière : Existe-t-il des leçons et un héritage encore utiles aujourd’hui pour les nouvelles générations de militants ? Il faut croire en effet à cet héritage qui existe et qu’il est nécessaire de comprendre pour s’en inspirer. Contrairement à la conclusion d’Albert-Paul dans son ouvrage, l’impérialisme capitaliste est toujours debout, et non vaincu. A-t-on besoin de figures comme Mehdi Ben Barka, Che Guevara et d’autres qui ont été les porte-paroles et les coordinateurs des différentes luttes à différents endroits du monde ? Comment l’organisation et la lutte internationales sont-elles possibles aujourd’hui ? Que nous manque-til? 

Pour ce deuxième diptyque dédié à la vie et l’œuvre de son père, Dominique Lentin a réuni une équipe artistique totalement éclectique. Mélange de nationalités, d’âges et de parcours, l’idée de Dominique est de créer un univers rythmique, musical et visuel hybride. La création veut arriver à une forme qui glisse du concert à la conférence politique, du récit de vie à la performance physique du jeu burlesque à la danse traditionnel, de la rumba au rock expérimental. Un cocktail sonore et visuel, puissant, servi avec beaucoup de dérision et d’humour pour parler de la cruauté du monde capitaliste.